Réseau TELERAD : surveillance radiologique continue du territoire

Le réseau TELERAD est un réseau automatique de télémesure de la radioactivité sur le territoire belge. Il est composé de 254 stations (au 31/12/2020), le nombre de stations varie légèrement d’années en années selon les améliorations et modernisations apportées au réseau. Ces stations mesurent en permanence la radioactivité de l’air et des eaux de rivières.

Ces stations de mesures sont réparties sur l’ensemble du territoire national, autour des installations nucléaires de Tihange, Doel, Mol-Dessel et Fleurus, ainsi que dans les agglomérations proches de ces installations et de celle de Chooz en France (Figure 1). Ces stations sont reliées à un système centralisé qui est automatiquement alerté si une valeur seuil de radioactivité est dépassée.

Figure 1. Répartition des stations TELERAD sur le territoire belge en décembre 2020.

1. Objectifs du réseau

Le réseau TELERAD est un réseau de mesure et d’alarme qui poursuit les objectifs suivants :

  • L’enregistrement en continu des mesures pour fournir tous les renseignements statistiques nécessaires concernant les niveaux de rayonnement relevés dans le pays ;
  • Le déclenchement d’une alarme pour signaler sans délai le dépassement d’un seuil d’avertissement.

TELERAD permet de détecter, en temps réel, toute situation de radioactivité élevée qui pourrait conduire, pour son degré de sévérité le plus élevé, au déclenchement du Plan d’Urgence Nucléaire (PUN). En cas d’accident nucléaire, TELERAD jouera un rôle important dans la prise de décision, dans l’optimisation des interventions et des contre-mesures mises en œuvre par les autorités compétentes ainsi que pour l’information continue des citoyens.

Ce réseau est partie intégrante du programme de surveillance radiologique du territoire belge. En effet, la surveillance radiologique s’exerce de trois manières complémentaires :

  • Un programme d’échantillonnage qui s’appuye sur de nombreux prélèvements périodiques de plusieurs composants de l’environnement (air, eau, sol, faune, flore, chaine alimentaire, etc.) à travers tout le territoire, et particulièrement autour des sites nucléaires, la région de Bruxelles-Capitale et la côte belge, suivi d’analyses de la radioactivité ;
  • Un programme d’échantillonnage NORM qui s’appuye également sur de nombreux échantillonnages ciblant particulièrement les sites NORM, les décharges ou les matériaux de construction présentant une radioactivité naturelle renforcée.
  • Un réseau automatique TELERAD qui mesure en continu essentiellement des débits de dose en de nombreux points fixes.

2. Instruments radiologiques

2.1.  Radioactivité de l’air

Le réseau TELERAD possède 4 types de stations pour mesurer la radioactivité dans l’air, classées selon leur localisation et/ou fonctionnement :

Stations de mesure IMN

Les 93 stations de mesure IMN (Immission Monitor for National area) sont des détecteurs dosimétriques de type Geiger Müller qui mesurent la radioactivité gamma ambiante (débit de dose, exprimé en Sv/h).
La localisation de ces stations est disponible dans la Figure 1. Elles sont reparties équitablement sur l’ensemble du territoire belge, chacune couvrant une superficie d’environ 20 X 20 km.
Une illustration d’une station dosimétrique est donnée en Figure 2.
Figure 2. Illustration d’une station de mesures dosimétrique qui mesure la radioactivité gamma ambiante.

Stations de mesure IMA

Les 72 stations de mesure IMA (Immission Monitor for Agglomeration area) sont soit des détecteurs dosimétriques de type Geiger Müller qui mesurent la radioactivité gamma ambiante, soit des détecteurs spectrométriques (Geiger Müller couplé à un détecteur NaI) utilisés pour la mesure de la radioactivité gamma ambiante et de certains radionucléides prédéfinis (10 nucléides en routine) (débit de dose, exprimé en Sv/h).

La localisation de ces stations est disponible dans la Figure 1. Elles sont reparties dans l’agglomération (~5 km autour du site) des installations nucléaires belges (Fleurus, Tihange, Doel et Mol-Dessel) ainsi que sur le territoire belge autour de la centrale française de Chooz. Une illustration d’une station spectrométrique est donnée en Figure 3.

Figure 3. Illustration d’une station de mesure spectrométrique qui mesure la radioactivité gamma ambiante ainsi que 10 radionucléides prédéfinis.

 Stations de mesure IMR

Les 65 stations de mesure IMR (Immission Monitor for Ring area) sont soit des détecteurs dosimétriques de type Geiger Müller qui mesurent la radioactivité gamma ambiante, soit des détecteurs spectrométriques (Geiger Müller couplé à un détecteur NaI) utilisés pour la mesure de la radioactivité gamma ambiante et de certains radionucléides prédéfinis (10 nucléides en routine) (débit de dose, exprimé en Sv/h).

La localisation de ces stations est disponible dans la Figure 1. Elles sont réparties sur les clôtures autour des sites nucléaires de Mol-Dessel (, des centrales nucléaires de Tihange et de Doel ainsi qu’autour du site nucléaire à Fleurus (IRE).

Certaines stations spectrométriques installées en 2018 autour de Belgoprocess ont la particularité d’être alimentées par panneaux solaires et d’être déplaçables à l’aide d’une remorque.

Stations de mesures AER-IOD

Les 7 stations de mesures AER-IOD (Aérosol-IODe) sont des détecteurs ZnS qui mesurent la radioactivité des poussières en suspension dans l’air (aérosols et fines particules qui sont récoltés sur un filtre) et en déterminent la radioactivité alpha totale et bêta totale, exprimées en Bq/m³ (Figure 4, Gauche). Ces stations de mesures aérosols sont complétées par une unité de mesure de l’iode radioactif sur les aérosols et les particules de l’air, également exprimée en Bq/m³, lors du dépassement d’un seuil préétabli en radioactivité bêta (Figure 4, Droite). En cas de dépassement des seuils d’avertissement, l'air extérieur est pompé dans des cartouches de charbon actif, qui emprisonnent l'iode radioactif, et le niveau de radioactivité est automatiquement mesuré.

La localisation de ces stations de mesures aérosols/iode radioactif est disponible dans la Figure 1. Elles sont reparties à plusieurs endroits en Belgique : Bruxelles, Coxyde, Kluizen, Dourbes, Mol-Dessel et Mont-Rigi.

Figure 4. (Gauche) Illustration d’une unité de mesure alpha/bêta avec vue sur le ruban filtre déroulant qui reçoit les poussières et les particules de l’air. (Droite) Le détecteur d’iode radioactif dans son blindage (cylindre) et le tube parallélépipédique contenant les cartouches de charbon actif (sur le côté droit).

2.2.  Radioactivité de l’eau

Le réseau TELERAD possède également 2 types de stations qui mesurent en continu la radioactivité gamma des eaux de rivières. Il y a 8 stations IMW (Immission Monitor for river Water) et 4 stations EMW (Emission Monitor for Water release channel) au total.

Stations de type Retrofit

Les 6 stations de type Retrofit mesurent en permanence la radioactivité gamma des eaux (exprimée en coup/s et Bq/L). La localisation de ces stations est disponible dans la Figure 1. Elles sont installées près des trois rivières/fleuves recevant des rejets de sites nucléaires et des eaux usées provenant de centres urbains importants (comportant des centres de recherches, universités et centres hospitaliers) : la Meuse, la Sambre et la Nete (6 des 8 stations IMW).

Ces stations sont des grands conteneurs à partir desquels l'eau de la rivière est pompée vers le détecteur et retourne dans la rivière après la mesure de la radioactivité (Figure 5). A l'intérieur se trouve l'unité de spectrométrie gamma (cristal NaI couplé à un analyseur multicanal) logée dans un réservoir, entourée d'un blindage en plomb solide et protégée par un boîtier en acier inoxydable dans lequel l'eau pompée s'écoule. Environ dix radionucléides sont définis dans le logiciel de reconnaissance.

A gauche de l’unité de spectrométrie gamma se trouve un échantillonneur de grand volume d’eau (type SwedMeter) qui prélève automatiquement des échantillons dès qu'un niveau d'alarme est dépassé. Cette eau est stockée dans un ballon de 25 litres pour des analyses de spectrométrie gamma (et bêta) en laboratoire.

Figure 5. (Haut) Illustration d’une station de mesure de type Retrofit pour la radioactivité gamma des eaux de rivière. (Bas gauche) Intérieur d’un container avec, au centre, l’unité de spectrométrie gamma et, à gauche, un échantillonneur automatique programmable utilisé dans le cadre du programme de surveillance radiologique du territoire. (Bas droit) Intérieur de l’échantillonneur automatique.

Notons qu'à l'intérieur du conteneur se trouve également un échantillonneur automatique programmable (Buhler type PP MOS) qui pompe en continu l'eau de rivière dans des flacons pour la spectrométrie gamma, alpha et bêta en laboratoire. Celui-ci est utilisé dans le cadre du programme d'échantillonnage périodique dans la surveillance radiologique de le territoire. La Figure 5 montre également l'intérieur du PP MOS, composé d'instruments de pompage et de flacons de collecte. Cette unité entièrement programmable collecte 24/24 7/7 des volumes d'eau prédéfinis sur une durée et une fréquence fixées (~ 1 bouteille de 2,5 L par jour). Au-dessus du PP MOS se trouvent l'unité de mesure et l'alimentation haute tension du détecteur de la station de mesure fluviale.

Stations de type BCI

Les 6 stations de type BCI mesurent également en permanence la radioactivité gamma des eaux (exprimée en coup/s et Bq/L). Elles ont la particularité d’avoir leur sonde directement immergée dans l’eau des rivières (Figure 6).

La localisation de ces stations est disponible dans la Figure 1. Il y a 2 stations situées dans l’Escaut - en aval et en amont de la centrale nucléaire de Doel (2 des 8 stations IMW) - et 4 stations immergées dans les canaux de rejet des centrales nucléaires pour mesurer en continu la radioactivité gamma des rejets liquides : 1 station dans le canal de rejet de la centrale nucléaire de Doel et trois stations dans les 3 canaux de rejets de la centrale nucléaire de Tihange (stations EMW). Ces stations permettent de surveiller au plus près les rejets liquides des exploitants de production électrique. 

Elles possèdent également un détecteur NaI qui est couplé à un détecteur multicanaux. Une dizaine de radionucléides peuvent être rapidement identifiés.

Figure 6. Illustration d’une station immergée de type BCI située à Doel.​​​​​​

Enfin, le réseau TELERAD est complété par un ensemble de 23 stations de mesures mobiles pour la mesure de la radioactivité gamma ambiante (Figure 7). Ces stations de mesures peuvent être déployées sur l’entièreté du territoire belge en fonction des besoins de mesures.

Figure 7. Illustration d’une station mobile de mesure du débit de dose (radioactivité gamma ambiante).

3. Instruments météorologiques

Le réseau TELERAD dispose également d’instruments de mesures météorologiques installés sur des mâts sur 10 ou 30 m. La localisation de ces stations est disponible dans la Figure 1.

  • Les 4 stations MET 30 sont installées sur des mâts de 30 m autour des sites nucléaires belges (Tihange, Doel, Mol-Dessel et Fleurus) et mesurent la vitesse et la direction du vent, la pluviométrie et l’ensoleillement. Une illustration est donnée en Figure 8.
  • Les 9 stations MET 10 sont installées sur des mâts de 10 m le long des frontières ainsi qu’autour de sites nucléaires (Tihange et Chooz) et mesurent seulement la vitesse et la direction du vent.

Ces données sont essentielles pour prévoir quelles régions seront touchées (direction du vent) lorsqu'un nuage radioactif est détecté et à quelle heure cela est attendu (vitesse du vent).

Figure 8. Illustration d’une station installée sur un mât de 30 m autour des sites nucléaires belges (station MET 30) qui mesure la vitesse et la direction du vent, la pluviométrie et l’ensoleillement.

4. Calcul de dose d’exposition externe

Le réseau TELERAD mesurant en continu un débit de dose (µSv/h), il est possible de calculer balise par balise la dose annuelle d’exposition gamma. Une interpolation mathématique permet de regrouper des valeurs similaires sous la même couleur et ainsi de construire une « carte d’isodose » (Figure 9).

Le résultat d’un tel traitement conduit à la construction d’une carte illustrative du bruit de fond naturel dû à la radioactivité gamma. Ce bruit de fond représente l’exposition annuelle exprimée en mSv (dose gamma d’exposition externe) que l’on reçoit sur le territoire. La dose d’exposition gamma moyenne en Belgique est de 1 mSv/an. Elle varie de 0,6 à 0,7 mSv/an au nord, 0,8 à 0,9 mSv/an globalement au centre et jusqu'à 1,0 à 1,1 mSv/an en Wallonie et plus particulièrement en Ardenne.

Figure 9. Carte d’isodose du rayonnement gamma externe reçu sur le territoire belge en 2019.

L'exposition varie principalement en fonction de la nature du sol. Les doses sont en général plus élevées dans des terrains anciens composés de roches telles que calcaires, schistes, psammites et grès mélangés à des calcaires etc. qui sont présents, en Belgique, principalement en Ardenne et dans le Condroz (Figure 10). A l’inverse, les doses sont plus faibles en Flandre car les sols sont surtout constitués de terrains sédimentaires (sables, limons et argiles). A noter que l’extrême sud du pays, région marneuse, argileuse présentant des couches sablo-limoneuses sur un substrat calcaire, la dose diminue pour atteindre des valeurs comparables à celles de la Flandre.

Figure 10. Carte de la géologie du sol belge.

La limite de dose de rayonnements ionisants à la population, fixée à 1 mSv/an, ne prend pas en compte l'irradiation naturelle liée au rayonnement cosmique ainsi qu'à la radioactivité du sol et du sous-sol ni aux rayonnements utilisés à des fins médicales. Dès lors, elle ne s’applique pas dans le cas présent (bruit de fond ambiant naturel).

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Date de la dernière mise à jour : 01/04/2021