Quels sont les effets cutanés ?

Si la peau est localement exposée à des doses élevées de rayonnement, elle peut être endommagée et subir certaines lésions. Les effets cutanés font typiquement partie des effets déterministes, ce qui signifie que ces effets ne sont pas observés en dessous d'un certain seuil de dose mais qu’à partir de ce seuil, le risque et la gravité des effets augmentent proportionnellement à la dose reçue. En général, les dommages subis par la peau ne sont pas immédiatement visibles. Il peut s'écouler des jours, des semaines voire des mois avant que ces effets ne soient perceptibles.

Les effets cutanés sont bien connus en radiothérapie. Ils le sont moins en radiologie, où l’on ressort généralement des images d’archives et des images de lésions consécutives à un incident. Toutefois, malgré l’évolution et la disponibilité de nouveaux appareils de pointe au fil des ans, l’apparition d’effets cutanés à la suite d’une procédure radiologique ne peut pas être exclue. Ce risque est négligeable voire inexistant pour les applications conventionnelles classiques et les applications de tomodensitométrie, mais il est bel et bien présent dans le cas de procédures interventionnelles.

Le risque d'effets cutanés est plutôt faible mais il convient de ne pas le mésestimer. En général, les effets cliniques ne sont visibles que plusieurs semaines ou plusieurs mois après l'intervention et ne sont donc souvent pas reconnus comme une séquelle de l'intervention. D'une part, il y a lieu de rassurer le patient lorsque ces effets ne sont que légers et temporaires, et d'autre part, un traitement adéquat doit être administré lorsque les effets cutanés sont plus sérieux. Ce traitement diffère selon que l’affection cutanée résulte ou non d'une exposition de la peau aux rayonnements ionisants. Un traitement inadéquat d'une lésion cutanée peut influer négativement sur son évolution. Il existe dans la littérature des exemples où un dermatologue réalise une « punch biopsie » sur un ulcère cutané sans savoir que cette blessure est la conséquence d'une exposition aux rayonnements ionisants. Malheureusement, cette biopsie endommage plus encore la peau et favorise la nécrose.


Figure 1 : toxicité cutanée de grade 2.
a)  Dermatite aïgue suite à une fluoroscopie pendant la pose d'un stent. 
b) La lésion a évolué vers une hyperpigmentation, sclérose et ulcération 5 mois après la fluoroscopie. 

Figure 2 : toxicité cutanée de grade 2.
a ) Lésion dûe à des rayonnements chez un patient de 50 ans. La photographie a été prise 2 mois après le traitement avec une dose d'environ 10 Gy. 
b) Le même patient, 6 mois après le traitement. 
Source photos : RSNA, Fluoroscopically Guided Interventional Procedures: A Review of Radiation Effects on Patients’ Skin and Hair, 2010
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Le tableau ci-après énumère (sur base de la publication) les différentes affections cutanées susceptibles de se produire, en spécifiant pour chacune d’entre elles  un seuil de dose  à partir duquel l’affection apparaît et le délai entre l’exposition et le moment où l’effet devient visible.

Affection Seuil de dose (Gy) Visible après
Erythème transitoire 2 2 tot 24h
Erythème principal 6 ~ 1,5 semaines
Épilation temporaire 3 ~ 3 semaines
Épilation définitive 7 ~ 3 semaines
Desquamation sèche 14 ~ 4 semaines
Desquamation humide 18 ~ 4 semaines
Ulcération secondaire 24 > 6 semaines
Erythème tardif 15 8-10 semaines
Nécrose ischémique  18 > 10 semaines
Atrophie du derme (1ière phase) 10 > 52 semaines
Télangiectasie 10 > 52 semaines
Nécrose cutanée (retardée) > 12 > 52 semaines

Patients et procédures à risque

Dans quelles procédures et chez quels patients existe-t-il un risque d’apparition d’effets cutanés ? Cela dépend de plusieurs facteurs liés à l’examen ou au patient :

  • Le type d’examen / de traitement
    Les types complexes d'examens et de traitements recourent généralement à un plus grand nombre de séquences d'images et à des temps de scopie plus longs.
    La région du corps joue également un rôle puisque la visualisation de régions plus volumineuses nécessite en général des doses plus élevées, ce qui augmente la dose à la peau.
    La visualisation de vaisseaux sanguins de très petite taille requiert elle aussi un travail minutieux à dose élevée (par exemple en neuroradiologie).
    Les procédures qui impliquent des doses élevées sont, par exemple, les neuroembolisations, les embolisations pelviennes, les embolisations abdominales, les EVAR, les CTO, les TAVI, les TIPS...
  • La pathologie du patient
    Les situations complexes s’accompagnent dans la plupart des cas de procédures plus longues et recourent à davantage de scopies. Certaines affections requièrent l'utilisation répétée de techniques interventionnelles ou d’une combinaison de radiothérapie et de techniques interventionnelles, ce qui peut générer une dose cumulée à la peau relativement élevée. Il convient donc d’être particulièrement attentif aux patients qui, en un bref laps de temps, subissent plusieurs procédures interventionnelles ou une combinaison de procédures radiothérapeutiques et de procédures interventionnelles.
  • Les propriétés physiques du patient
    Les patients obèses sont en effet plus à risque puisqu’ils nécessitent souvent des doses plus élevées aux fins d’imagerie, ce qui engendre des doses accrues à la peau. Par ailleurs, on observe généralement davantage d'effets cutanés chez les patients plus âgés (probablement parce qu'ils ont parfois subi plusieurs interventions).
  • L’équipement utilisé
    Les appareils modernes sont équipés de diverses options de réduction de dose, comme la fluoroscopie pulsée, la collimation virtuelle, etc. Comme ces fonctionnalités permettent de réduire la dose administrée, elles réduisent également le risque d’endommagement de la peau.
  • L’utilisation de l’équipement
    Les fonctionnalités disponibles doivent être connues et mises à profit, ce qui nécessite formation et entrainement. L'exposition doit être optimisée en utilisant les paramètres adaptés : réglage des distances patient-détecteur et patient-source, variation de l’orientation du faisceau, ...

Examinez la peau de votre patient avant le début de la procédure et notez/photographiez/marquez les lésions déjà présentes. Déterminez si ces effets sont le résultat d'une exposition antérieure aux rayonnements et si des mesures de précaution additionnelles doivent être prises.

Il existe des marqueurs radio-opaques repérables sur les clichés radiographique, qui permettent éventuellement d'éviter certaines régions lors des procédures. Ce n'est toutefois pas toujours possible.

Effets cumulatifs

Les effets cutanés sont cumulatifs lorsque la peau est irradiée à plusieurs reprises en un bref laps de temps. C’est le cas quand les procédures interventionnelles se répètent ou quand elles sont combinées à des traitements radiothérapeutiques externes.

La mort cellulaire de la peau étant d’environ 30 jours et son temps de guérison d’environ 60 jours, il est recommandé d'attendre normalement entre 4 à 6 semaines avant d’entamer une nouvelle procédure impliquant l’irradiation d’autres parties de la peau et entre 8 à 12 semaines avant de répéter la même procédure interventionnelle ou d’entamer une procédure impliquant l’irradiation  de la (des) même(s) région(s) de la peau.

L'effet cumulatif ne peut à lui seul justifier le choix de renoncer à une procédure ultérieure lorsque celle-ci s’avère nécessaire.

Dans le cas de procédures interventionnelles successives ou combinées à des procédures radiothérapeutiques externes, il est important d’examiner le corps (et en particulier le dos) avant de commencer la procédure afin de repérer toute lésion déjà présente.

Prévention

Il n’est pas toujours possible de prévenir les effets cutanés. En effet, certaines procédures sont complexes et requièrent une dose élevée pour pouvoir traiter le patient de manière efficace. Néanmoins, l’utilisation de l’imagerie à bon escient peut sensiblement réduire le risque d’apparition d’effets cutanés. 

Il convient de se montrer attentif à deux niveaux : d’une part, les éléments nécessaires doivent figurer dans les procédures de travail et, d’autre part, chaque patient doit faire l’objet d’une analyse individuelle pour déterminer s’il présente un risque particulier. Cette obligation est décrite à l'article 27c) de l’arrêté relatif à l'imagerie médicale.

Il est important qu’un expert agréé en radiophysique médicale vous accompagne tout au long de ce processus.

Optimisation

Il existe une multitude de possibilités pour réduire la dose à la peau mais également celle administrée aux autres organes tout en conservant une bonne qualité d'image.

L'Agence internationale de l'Energie atomique a créé une affiche intitulée « 10 Pearls: Radiation Protection of Patients in Fluoroscopy ». Elle reprend les principaux aspects qui permettent de réduire la dose (à la peau) de votre patient sans perte de qualité d'image. https://www.iaea.org/sites/default/files/documents/rpop/poster-patient-radiation-protection.pdf

Il est préférable de faire appel à votre expert agréé en radiophysique médicale pour la mise en œuvre concrète de ces directives dans les procédures de votre service.

Avant d’utiliser un nouvel appareil, il est important de prendre le temps nécessaire pour apprendre à connaître ses différentes fonctions. L’arrêté relatif aux expositions médicales impose que vous sollicitiez l’aide de votre expert agréé en radiophysique médicale à cette occasion.

Suivi

Il est obligatoire d’intégrer dans vos procédures de travail une étape visant à vérifier au terme de chacune d’entre elles si le patient présente un risque particulier de développer des effets cutanés. 

Une des options consiste à analyser les données de dose disponibles. Une bonne estimation de la dose à la peau demeure un des paramètres essentiels pour évaluer le risque de développer des effets cutanés. Votre expert agréé en radiophysique médicale déterminera quelle est la meilleure technique dont vous disposez pour effectuer cette estimation en fonction de l’équipement à disposition et des techniques utilisées.

Certains appareils modernes sont dotés d’une fonction qui permet d’estimer la dose à la peau, mais il est également possible de travailler avec des niveaux de déclenchement sur base de la valeur DAP (valeur KAP) ou d’un kerma dans l’air pour un point de référence technique spécifique.

Nous vous conseillons de répartir les patients en trois groupes :

Groupe 1 : dose à la peau < 3 Gy

Aucun suivi n'est requis. Le patient ne doit pas être informé davantage. 

Groupe 2 : 3 Gy ≤  dose à la peau < 7 Gy

Un suivi est requis. Au terme de la procédure, le patient emporte à son domicile un document dans lequel il lui est demandé d’observer certaines zones à risque de son corps pendant quelques semaines. Ce document mentionne également les coordonnées du service à contacter en cas de besoin. 

Groupe 3 :  dose à la peau ≥ 7 Gy

Un suivi est requis. Au terme de la procédure, le patient emporte à son domicile un document dans lequel il lui est demandé d’observer certaines zones à risque de son corps pendant quelques semaines. Ce document mentionne également les coordonnées du service à contacter en cas de besoin.

En outre, le patient doit être contacté proactivement après un mois. Ce contact doit faire partie des procédures de travail du service.

Le patient peut être contacté par un technologue en imagerie médicale, un(e) infirmier(ière) ou un médecin formé en a matière. Il est préférable, lors de cet entretien, d’utiliser une liste préétablie de questions. 

L'hôpital doit donc établir une procédure de suivi des patients pour lesquels l’entretien téléphonique révèle qu’ils sont susceptibles de développer des effets cutanés sérieux.

Charge de travail pour le service

Pour la plupart des services, l'impact du suivi des effets cutanés se révélera extrêmement limité. Plusieurs patients dépasseront le seuil annuel de 3 Gy. Toutefois, la remise du document de suivi précité peut être intégrée dans les procédures de suivi existantes. Le dépassement du seuil de 7 Gy est un cas très exceptionnel qui, pour certaines procédures, ne se produit même pas chaque année.

En guise d'illustration, l'UZ Leuven, où de nombreuses interventions de type TIPS (impliquant une dose relativement élevée à la peau) sont pratiquées, enregistre en général annuellement un ou deux cas de patients qui reçoivent une dose à la peau supérieure à 7Gy.

Patients hospitalisés de longue durée

Si le patent reste hospitalisé de manière prolongée après la procédure, il convient de fournir les informations nécessaires à l’unité où séjourne le patient, dans le cas d’un dépassement d’une dose seuil.

Devoir d’information

Le patient doit être informé du risque d’apparition d’effets cutanés. Vous trouverez également de plus amples renseignements à ce sujet en consultant la page web suivante qui propose une trousse d’outils destinée à l’information des patients. D’autres documents spécifiques au suivi des patients sont également disponibles.

Références

W. Jaschke et al. “Radiation-Induced Skin Injuries To Patients: What the Interventional radiologist Needs to Know”, Cardiovasc Intervent Radiol 40: 1131-1140, 2017.

S. Balter et al. “Fluoroscopically Guided Interventional Procedures: a review of radiation effects on patients’ skin and hair”, Radiology 254:326-341, 2010.

S. Balter et al. “Patient Skin Reactions From Interventional Fluoroscopy Procedures”, AJR 202, W335-W342, 2014.

M. Rehani et al. “Skin injuries in interventional procedures”, Radiation Protection Dosimetry, 1-5, 2011.

IAEA Webinar. S. Balter. “Patient radiation management in interventional fluoroscopy”, 16 May 2019: https://www.iaea.org/resources/video/patient-radiation-management-in-interventional-fluoroscopy 

 

Date de la dernière mise à jour: 13/02/2024